Voyage sur les traces de Marguerite Duras du 14 au 29/02/2024.

1ère partie du 14 au 20 / 02 / 2024 (à la fin du 29/02, pour voir la suite, retournez dans le menu :partie 2

Ce voyage nous conduira depuis Saïgon (Ho Chi Minh ville), dans le delta du Mékong jusqu'au Cambodge, à la découverte des lieux où Marguerite Duras a vécu. Lieux qui sont les principaux personnages de ses romans : 
L'amant, l'amant de la Chine du Nord, un barrage contre le Pacifique.

Photo de la maison de Binh Thuy, près de Cantho, qui servit aussi de décor pour le film l'Amant.

13/02/2024 - Arrivée à Saïgon

Partis de Roissy, où j'ai retrouvé 2 des voyageurs qui m'accompagnent dans ce périple : Marie et Denis, après un long voyage de plus de 16h, nous sommes arrivés à Saïgon sous le soleil et par une chaleur qui dépassait les 40° ! Pour Denis, retrouvailles avec la ville où il est venu plusieurs fois, découverte pour Marie qui effectue son 1er voyage en Asie.

C'est une des rares fois où j'arrive à Saïgon en par avion en pleine journée. J'ai eu la chance de voyager près d'un hublot. Je me souviens de cette première arrivée au Vietnam en 1989, par le hublot, j'ai eu le premier contact avec le pays de mon père. Un paysage verdoyant sous la pluie, dans lequel un long et large fleuve s'écoulait en de nombreux méandres et puis la ville, petite, dans cette immensité de vert. Aujourd'hui ce qui frappe le regard, ce sont ces milliers de maisons, souvent aux toits de tôle, qui ont pris la place des rizières bien avant d'arriver en vue de la ville. 

Après quelques heures de repos, le temps de laisser à la température de devenir plus supportable, nous partons à pied à la découverte de la ville qui nous paraît bien déserte, mais cela s'explique, nous sommes encore dans la période des fêtes du nouvel an lunaire, celle du dragon pour cette année.
Parvenus sur Nguyên Hué, (les Champs Elysées locaux) nous tombons dans le bain de la fête en hommage au "Dragon", avec tout ce que cela implique de décorations, de lumières, d'excès sans doute, mais ici, contrairement à la France, il y a beau avoir plusieurs centaines de milliers de personnes réunies en un même endroit, aucune agressivité, pas de bagarre. Rien d'autre que des familles, des couples, des personnes seules qui côtoient des groupes de jeunes, c'est la fête tout simplement où chacun vient en prendre plein les yeux avant de reprendre une vie de labeur.

14/02/2024 - Saïgon


Journée de transition. La fatigue du voyage, le décalage horaire se font encore sentir. Chacun de nous trois va occuper cette journée à son rythme.
Denis qui a déjà fait plusieurs séjours ici, retrouve des amis, Marie s'en ira toute la journée à la découverte de la ville. Pour ma part, repos pour la matinée.
Avec Denis, nous nous retrouvons en début d'après-midi pour avaler un phô et nous partons ensuite à la découverte du musée des Arts. Ce n'est pas une découverte pour moi, puisque j'y suis déjà venu plusieurs fois et que dans ses murs se déroule l'un des passages de mon roman : Sur un pont entre deux rives , (Ed. le lys bleu).

Les temps changent, de nombreux jeunes sont présents, dont de nombreux groupes de jeunes filles dont la préoccupation n'est pas de déambuler dans les salles à la rencontre des œuvres exposées, mais de prendre la pose pour les réseaux sociaux ! L'une d'elle est très heureuse que je la photographie !
Cela peut nous paraître bizarre, mais ce lieu est unique pour toute cette jeunesse. Il représente un "rêve", celui d'une demeure à laquelle ils n'auront jamais accès, eux qui pour la plupart habitent dans des appartements étroits dans des maisons ou immeubles "tubes". Les maisons "tubes" caractérisent le Vietnam en terme d'habitat, car l'imposition des habitations se calcule suivant la largeur de la façade. Il est courant de voir des façades de quelques mètres alors que la maison ou l'immeuble peuvent se prolonger à l'arrière sur plusieurs dizaines de mètres.
Payer quelques centaines de dongs (monnaie locale) leur permet de réaliser des photos qu'ils ou elles ne peuvent pas réaliser dans leur quotidien.

L'un des pavillons est consacré à Le Ba Lang, artiste français d'origine vietnamienne aujourd'hui disparu. Il y a quelques années, j'avais pu voir cette expo à Hué.
De retour à notre hôtel, je fais la connaissance de Philippe, d'origine vietnamienne, vivant en France. Orphelin, il a quitté Saïgon en 1975, à l'âge de trois mois à bord de l'un des hélicoptères U.S. depuis le toit du palais présidentiel.
Il revient régulièrement au Vietnam pour tenter de retrouver ses origines familiales, tâche difficile puisque quasiment toutes les archives ont disparues.

15/02/2024 - Saïgon

L'équipe de ce voyage est maintenant au complet avec l'arrivée ce matin de Sylvianne et William, ainsi que de Mya, notre guide et de Tay notre chauffeur.
Nous avons été voir les lieux fréquentés par Marguerite Duras à Saïgon : les lycées Hong Phong et Le Quy Don où elle a étudié, malheureusement fermés en raison de la période de fête du Têt, l'ancien quartier colonial français et la rue Catinat aujourd'hui rue Dong Khoi, ainsi que le lieu où était la salle de cinéma où sa mère aurait joué du piano durant 10 ans. Le cinéma n'est plus depuis longtemps, un immeuble l'a remplacé.
Difficile d'imaginer le Saïgon d'autrefois face à l'agitation sans fin de la ville, la circulation incessante des motos et des voitures, difficile d'y apercevoir la limousine de l'Amant qui aujourd'hui roulerait peut-être au volant d'une Rolls.
Nous terminons notre balade à la terrasse de l'hôtel Majestic qui nous offre un point de vue unique sur la rivière Saïgon et la ville moderne.

16/02/2024 - Saïgon

Départ à 8h pour aller dans la grande banlieue de la ville afin de visiter la pagode Buu Long  au bord de la rivière Dông Nai. Cette pagode fut construite en 1942 et son architecture possède des influences indiennes, du Myanmar, de la Thaïlande et du Laos. L'influence de la dynastie des Nguyên apparait dans les nombreux dragons qui gardent les escaliers. Après 2h de visite, toute l'équipe reprend des forces avant de regagner la vile.

Nous repartons en début d'après-midi pour visiter une fabrique d'objets laqués. Ce travail long et minutieux a pour originalité, outre d'utiliser de la peinture, d'utiliser également des coquilles d'œuf de canard ainsi que des coquillages. Pour réaliser un petit objet, il faut compter un minimum d'une dizaine d'heures de travail.

Au sortir de cette visite, nous prenons la direction de la rivière Saïgon pour nous rendre sur les lieux (approximatifs) où s'amarraient les paquebots qui regagnaient la France ou qui en provenaient. C'est à cet endroit que Marguerite Duras vit partir son frère aîné, et qu'elle même prit le bateau pour la métropole tandis que l'Amant, caché au fond de sa limousine voyait s'éloigner le paquebot emportant celle qu'il aimait. Bien des années plus tard, il téléphonera à Marguerite. Si elle-même, en a gardé le souvenir toute sa vie, lui non plus ne l'avait pas oubliée.
(reproduction d'une photo d'un paquebot que j'ai photographiée dans l'expo permanente consacrée à Ho-Chi-Minh)

Loin de Duras, ce lieu évoque pour moi l'histoire tragique de ces engagés et travailleurs dits volontaires que la France arracha à  leur pays pour soutenir l'effort de guerre de 14-18, puis plus tard pour celui de la seconde guerre mondiale.
Ainsi le ministre des colonies, Georges Mandel, par décret, réquisitionna de force, un mâle de 20 à 30 ans dans chaque famille indochinoise. Ce furent 7 000 tirailleurs et 20 000 travailleurs indochinois qui arrivèrent en France sur les plus de 100 000 prévus, mais entre-temps, la France avait été défaite par l'Allemagne. 
Mon père faisait partie de ces 7 000 tirailleurs et ce n'est pas sans une certaine émotion que mes pas me conduisent près de la rivière Saïgon, chaque fois que je viens dans cette ville.

Nous finissons notre journée de l'autre côté de la rivière pour voir le soleil se coucher derrière les nombreux gratte-ciels de la ville.

17/02/2024 - Saïgon

Ce matin, départ pour Cholon, le quartier chinois de Saïgon. C'est dans ce quartier que se vit une partie du roman "l'Amant" de Marguerite Duras.
Après 20 mn de trajet, nous parvenons au marché de Binh Tay construit vers 1920. 
Le marché de Bình Tây a été construit, ou du moins fortement soutenu financièrement, par un homme d'affaires chinois nommé Guoyan (郭 琰) mieux connu sous le nom de Quách Đàm (1863-1927), originaire de Chaozhou dans le Guangdong (Wikipedia) .
Ce jour est celui de l'ouverture après la période de fermeture de la fête du Têt, pour cette raison, nous ne resterons que très peu de temps car les commerçants sont fébriles. En ce premier jour, ils installent des autels avec des offrandes pour favoriser leur commerce. C'est aussi le jour d'approvisionnement de leur stock de marchandises. Ce marché joue un rôle capital pour les habitants de la ville, c'est le marché de gros le plus important en produits frais (fruits, légumes). 
A nous d'imaginer que peut-être, Marguerite et son Amant aient pu faire quelques pas ici. Tout ce qui est décrit dans le livre n'existe plus, la guerre et la reconstruction sont passées par là. 
"J'ai beau chercher alentour, je ne vois pas de limousine, ni de jeune fille coiffée d'un chapeau au bras d'un chinois élégant. Ceux que je croise, se déplacent à moto. Moto surchargées de cartons, de caisse. L'heure n'est pas à la bagatelle ni à la romance. L'important aujourd'hui est de faire le plus de ventes possibles pour bien commencer l'année du dragon !"

Nous prenons ensuite la direction du temple de la Dame céleste.
Le temple de la Dame céleste joue un rôle important dans la vie culturelle et religieuse des Hoa (Vietnamiens d’origine chinoise) de Saigon-Cho Lon. Depuis la fin du 17e siècle, de nombreux Chinois sont venus s’installer à Cho Lon (Grand marché). En 1760, un temple a été construit, dédié à Matsu, appelée Thiên Hâu Thanh Mâu (Dame céleste), d'architecture chinoise. Il a subi de nombreuses améliorations et réparations, mais a conservé son style d'origine. Il a contribué à enrichir les caractéristiques culturelles de l'ancien Saigon-Gia Dinh. Les matériaux de construction comme briques, tuiles ou céramiques ont été importés du Sud de la Chine, région d’origine des Hoa.(Vietnam illustré)

Nos dévotions accomplies, Mya, notre guide, nous conduits dans une petite rue devant une maison qui servit de décor pour quelques scènes du film "l'Amant" de Jean-Jacques Annaud.

Nous terminons notre matinée par la visite du musée de médecine traditionnelle Fito.
Cet établissement privé est le premier musée dédié à la médecine traditionnelle dont le fondateur est le pharmacien passionné LE Khac Tam.

Pour cette dernière journée à Saïgon, chacun avait quartier libre, Marie, notre électron libre, s'en est allé visiter le musée des femmes du sud du Vietnam.
William et Sylviane, partirent à la recherche de souvenirs, traces d'un temps passé, pour photographier certains lieux tels qu'ils sont aujourd'hui.
Denis et moi avons déambulé dans les rues à la recherche de quelques clichés.
Ici le marché Ben Thanh.

Nous avions prévus de dîner ensemble pour clore notre séjour à Saïgon. Rien de bien sensationnel à par le fait de passer une bonne soirée. C'était sans compter Marie !
Elle nous a rejoints dans le hall de l'hôtel, la mine désespérée. Elle venait de changer une bonne poignée d'euros contre des dongs et n'avait plus rien. Soit elle avait été victime d'un vol, soit elle les avait perdus.
En arrivant au restaurant, une gamine vient la chercher et l'emmène dans un commerce à deux pas de là. Lâchement, nous l'abandonnons à son triste sort et allons nous installer, toutes ces émotions donnent soif !
Une quinzaine de minutes plus tard, Marie réapparaît la mine réjouit. Oh ! Miracle, (nous n'avons pas tout compris, les voies divines sont souvent obscures), mais la commerçante a emmené Marie dans un commissariat où l'attendait son trésor !!!
Encore une fois, quand je dis que le Vietnam est un pays sûr... bien entendu, il peu arriver que...
Le dîner s'est passé dans une ambiance plus que détendue, sans oublier Marguerite qui a été au centre de nos conversation !
Phots ci-dessous : William Experton

18/02/2024 - Saïgon / Cai Be

Adieu Saïgon ! Nous prenons la route du delta du Mékong en direction de Cai Be. Nous ferons une première halte à la pagode de Vinh Trang. Située au centre ville de My Tho, dans la province de Tiên Giang, elle est la destination incontournable pour les touristes visitant le delta du Mékong, ainsi que pour tous les boudhistes.
Trois grandes statues blanches en sont les attractions principales : statues de Siddhartha Gautama, dit Bouddha ou l’Éveillé, de Guanyin et de Maitreya. Elles sont en position debout, assise et allongée sur le dos au moment de la méditation. (Le Courrier du Vietnam)

Après cette visite, nous nous rendons au temple caodaïste de Cai Bé.
Le caodaïsme, religion syncrétiste (mélange d'influences) est né au Vietnam en 1921.
Elle s'inspire du confucianisme, du taoïsme et du bouddhisme, particularité : Victor Hugo fait partie de ses saints !

Après cette visite, nous entrons dans le territoire de Duras. Le Mékong est là, tout près de nous. Nous embarquons dans un bateau qui nous conduira sur une île pour déjeuner chez l'habitant où mes compagnons dégusteront un poisson oreille d'éléphant, l'une des spécialité de la région.

Après le déjeuner, nous embarquons sur deux barques pour une balade dans l'un des nombreux bras secondaires du fleuve. Moiteur de l'air, berges boueuses sur lesquelles pousse une végétation luxuriante qui exhale une odeur fétide et chaude de plantes en décomposition. L'eau du fleuve est relativement claire et chaude, comme une invite à la baignade, au détour d'un coude, on s'attend à voir Marguerite et Joseph (Un barrage contre le Pacifique) se baignant. Celui-ci est entouré des gamins du village voisin attendant de pouvoir jouer avec lui. Cette courte balade suffit à m'emmener en un voyage intérieur, les paysages décrits dans les pages, m'apparaissent en clichés jaunis par le temps. Mais la réalité est bien là, le Mékong coule entre les doigts de ma main plongée dans ses eaux.
Peu importe le temps, Marguerite l'écrivaine ou celle de l'Amant, ou encore Suzanne du "Barrage", n'a jamais été si proche de moi à m'en faire tourner la tête !
Comme à chaque fois que je reviens dans le delta, les romans de Duras m'accompagnent. Pas seulement les livres de papier, d'ailleurs souvent je ne les relie pas. Nul besoin, les personnages principaux, s'ils captent notre attention, ne servent qu'à donner vie au personnage essentiel : le delta du Mékong. Là est la source d'inspiration de l'autrice. Cette Indochine du delta où les pieds dans la boue du fleuve, Marguerite a grandit, a souffert, a découvert la vie. Elle a fait corps avec ce pays insaisissable, qui vous pleure dessus à la mousson, vous emporte au loin dans ses eaux chargées de limon, vous étouffe dans sa végétation luxuriante, jusqu'à vous faire oublier qu'un autre monde puisse exister. Pays immobile, monotone, d'une langueur infinie diront ceux qui n'auront fait qu'y passer. Marguerite n'était pas de ceux-là, le Mékong coulait dans ses veines, il fut son premier amour. Elle faisait corps avec lui. Toute sa vie, ses paysages, ses odeurs sont restés présents en elle, même là-bas, à Trouville, les clairs obscurs de la forêt lui apparaissent sous d'autres formes. Le delta qui l'avait façonnée, lui avait enseigné comment vivre, survivre dans ce milieu bien souvent hostile. Savoir être tenace, se taire, se faire oublier au-delà de la patience et puis agir et comme le serpent. Savoir attendre la proie qui pourrait le nourrir pour plusieurs jour. Suzanne (Marguerite) attendait avec obstination, la voiture qui pourrait l'emmener ailleurs, vers la vie.
Sans elle, je ne pense pas que j'aurai aimé cette région comme je l'aime aujourd'hui. Elle me l'a fait découvrir et aimée avant de pouvoir m'y rendre pour la première fois.

19/02/2024 - Cai Be / Vinh Long / Sadec

Nous quittons notre lodge pour rejoindre Vinh Long à bord du bateau avec lequel nous sommes arrivés ici hier. Nous allons profiter de la marée montante qui se fait sentir jusqu'ici, à plus de 80 km de l'embouchure du Mékong.
Vinh Long, Sadec, nous voici plongés dans les pas de Marguerite. Les nombreux ponts ont remplacé la plupart des bacs qui traversaient le fleuve. Il en subsiste encore, mais ils ne servent qu'à de courtes traversées entre deux rives. Les limousines ne sont plus sur les routes, ceux qui le peuvent roulent en gros SUV ou pick up, les vélos font figures de dinosaures face aux centaines de motos. L'époque de Marguerite est révolue, plus de jeunes filles blanches qui habitent cette contrée, celles rencontrées sont des touristes de passage. Inutile de tenter d'apercevoir un feutre coiffant la tête d'une jeune fille sur le bac venant de l'autre rive. Celles qui l'empruntent portent leur casque de moto sur la tête.
Seul, le Mékong demeure, invincible.
"Il a ramassé tout ce qu'il a rencontré depuis le Tonlésap, la forêt cambodgienne. Il emmène tout ce qui vient..." ( L'Amant - M. Duras)
Il nous emmène en voyage, Marie, Denis, Sylviane, William et moi. Chacun de nous, sur notre siège, tandis que notre barque remonte le fleuve, nous avons tous dans la tête l'une des pages de l'un des livres de Marguerite. Sans échanger un mot, nos yeux sont en quête le long des berges, au loin sur le fleuve, d'un indice nous permettant de remonter le temps et de le faire se correspondre à notre imaginaire. Un envol de grands cormorans et d'aigrettes me fait penser aux échassiers que Suzanne mangeait dans le bungalow de la plantation (Un barrage contre le Pacifique).
Vinh Long approche, bien que nous soyons ralentis par un bateau transportant du riz et qui s'est posé sur le fond du petit bras du Mékong que nous empruntons pour arriver à destination.


Vinh Long, enfin. Les rumeurs de la ville nous sortent de notre torpeur. Après une courte visite du marché qui se tient le long du fleuve, nous reprenons notre bus pour enfin atteindre Sadec !

Sadec, là où tout a commencé, que j'ai découverte dans l'Amant. 
Le film d'abord, puis le livre. 
Puis Duras et l'Amant de la Chine du nord, Un barrage contre le Pacifique et beaucoup d'autres ont suivi. 
Ce voyage n'est pas une quête ni un pèlerinage, non, il est simplement le prétexte de découvrir les lieux qui ont "habité" l'autrice que nous aimons quand d'autres la détestent.
Nos pas nous conduisent à l'école Trung Vuong que dirigeait Marie Donnadieu, la mère de Marguerite. Nous avons l'autorisation de pénétrer dans la cour durant la récréation. Une nuée d'écolières et d'écoliers se ruent sur nous pour quémander des autographes ! Nous sommes reçus par un instituteur qui dispense des cours d'anglais. L'anglais est appris aux enfants dès la primaire pour qu'ils puissent parler correctement cette langue et obtenir un meilleur emploi. Le français est devenu langue morte dans ce pays en pleine croissance économique, ancienne colonie française. Le français représente une époque révolue que nos décideurs n'imaginent même pas.
A la fin de notre séance de signatures, il nous accueille dans le bureau du directeur et nous présente l'institutrice qui était en charge des cours de français qu'elle enseignait encore il y a cinq ans. Tous les deux nous présentent un gros cahier résumant l'histoire de l'école.
Surprise et émotion, une partie des pages est rédigée en français et à la plume !
En bas de la première page le nom de Marie Donnadieu est écrit, plus loin elle est présente sur une photo. Grosse séquence émotion pour nous cinq !

Nous poursuivons notre périple par la maison de Huynh Thuy Lê, personnage principal du roman «L’Amant» de Marguerite Duras. Cette dernière appartient désormais au Vietnam est fait partie de son patrimoine national.
Nous terminons notre visite de Sadec par la visite de la pagode où Huynh Thuy Lê venait se recueillir, pensant peut-être à Marguerite à laquelle il avait téléphoné bien des années plus tard.
Chargés de toutes ces émotions nous regagnons notre hôtel et si au cours du dîner, les conversations vont bon train, chacun de nous pense malgré tout à autre chose...

20/02/2024 - Sadec

Nous resterons toute la journée à Sadec. Nous partons en début de matinée pour nous rendre en banlieue de la ville visiter le village des fleurs. Le village des fleurs de Sa Dec  (Làng hoa), par le passé avait pour nom : le village des fleurs de Tan Quy Dong. C'est un village d’artisanat traditionnel de plus d'un siècle, établi sur les rives de la rivière Tien.
Bien que la période de forte activité soit passée (fête du Tête), de nombreux ouviers et ouvrières travaillent dans ces plantations. Nous sommes surpris par la superficie occupée par cette activité florale (plus de 500 ha) où plus de 2 000 variétés de fleurs sont cultivées. 


Nous nous rendons ensuite à Sadec pour visiter le marché qui se tient le long du Mékong. Ce sera l'occasion pour chacun de nous de parcourir ces lieux que Marguerite, sa mère et ses frères ont sans doutes foulés quand ils y habitaient. Chacun de notre côté nous partons. Nos pas nous mènent naturellement vers le fleuve. Il est le fil rouge qui nous relie à notre héroïne. Celle de l'Amant, bien sûr, mais aussi toutes les autres. Hélène Lagonelle, Lol V. Stein, la mendiante de Vinh Long, celle d'Une vie tranquille. Chacune d'elle nous propose une facette de Duras l'insaisissable. Insaisissable comme le Mékong. Devant ces eaux limoneuses charriant des tonnes de jacinthes d'eau et aujourd'hui de métaux lourds, de produits phytosanitaires, de plastiques et autres polluants, les paysages de ses berges, s'ils sont modifiés, demeurent semblables à ceux qu'elle a connus. Ici, la terre n'est rien, d'un simple caprice du fleuve elle peut être engloutie.
Et puis le marché. Interminable, foisonnant de fruits, de légumes, de poissons, de viandes, le tout en abondance. Les caprices du fleuves ont rendus les terres de cette région très fertiles, tout y pousse.

Au-delà du vrombissement des moteurs, de l'agitation du marché et des rues
commerçantes, certaines façades en décrépitude dans des rues isolées de toute cette agitation nous ramène à ce temps de la coloniale.
L'après-midi sera consacré à nos recherches personnelles, dessin, écriture, photographie.